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Zoopharmacognosie : quand les animaux utilisent la nature pour se soigner

Dans la nature, à l'état sauvage, les animaux sont amenés à se soigner dans un but de santé et de bien-être, sans l’intervention humaine. La Zoopharmacognosie désigne ce comportement inné d’automédication propre aux animaux. Le terme provient des mots grecs, zoo (« animal »), pharma (« médicament ») et gnosis (« connaissance »).


Ce phénomène, observé et étudié depuis la fin des années 1970, démontre que de nombreux animaux n’agissent pas par hasard pour soulager leurs maux, car ils connaissent les vertus thérapeutiques des herbes, des écorces, des mousses, des algues, des argiles, etc.


Un peu d’histoire

Recherches sur les animaux de Aristote

Dès l’Antiquité, le thème de l’automédication animale apparait dans la littérature gréco-latine chez Aristote, au livre IX des Recherches sur les animaux. Il y mentionne près d’une douzaine d’exemples de comportements observés : le cerf piqué par une araignée phalange mangeait des crabes, les chèvres de Crète frappées par des flèches consommaient du dictame pour les expulser, les cigognes blessées par le bec de leurs congénères appliquaient de l’origan sur leurs plaies, etc. Ce livre est considéré comme le premier ouvrage sur l’éthologie, la science du comportement.



En outre, certaines herbes doivent leur appellation de ces observations passées : l’herbe à chat, le chiendent, la racine de l’ours, etc.


Redécouvert depuis une quarantaine d'années, l'automédication animale est désormais un champ d'étude scientifique. C’est en 1978 que Daniel H. Janzen, écologue américain, a suggéré pour la première fois que les animaux puissent soulager certains de leurs maux via l’ingestion de végétaux aux composés biologiques actifs. Le terme de « zoopharmacognosie » est introduit en 1993 via les recherches de Richard Wrangham, primatologue anglais, et Eloy Rodriguez, biochimiste américain.


Quelques études


Depuis, de nombreux scientifiques ont observé et étudié à travers le monde l’utilisation de plantes médicinales par les animaux, les insectes, comme une « armoire à pharmacie » pour traiter des maux particuliers et multiples.


En Tanzanie, le primatologue américain Michael Huffman a démontré comment les chimpanzés éliminaient des parasites intestinaux en suçant le jus de la Vernonia amygdalina, une plante très amère, dont ils recrachent les fibres.


es chimpanzés éliminaient des parasites intestinaux en suçant le jus de la Vernonia amygdalina

En Ouganda, les Françaises Florence Brunois-Pasina, ethnologue, et Sabrina Krief, primatologue, ont prouvé que les peuples batooro utilisent les mêmes remèdes que les chimpanzés : ils s’imitent réciproquement. Il en va de même pour les éléphants au Laos.


Spécialiste des régions polaires depuis plus de 35 ans, l’auteur-conférencier-réalisateur français Rémy Marion a fait part de toute la pharmacopée que les ours ont développé et qu’ils se transmettent de génération en génération.


Docteure en éthologie, Fabienne Delfour partage les pratiques d’automédication chez les oiseaux, les pinnipèdes et les cétacés, qu’ils transmettent à leurs descendances.


Capacité d’automédication du papillon monarque

Après une dizaine d’années à étudier le papillon monarque, le biologiste américain Jaap De Roode a avancé l’hypothèse que la capacité d’automédication de ce papillon pourrait être programmée génétiquement.


Plus insolite, à Mexico, les moineaux tapissent leur nid de mégots de cigarettes, car la nicotine élimine les parasites, étude publiée en 2012 dans les Biology Letters de la Royal Society.



Et nos animaux de compagnie ?


La zoopharmacognosie est le champ d’étude scientifique de l'utilisation des plantes et minéraux par les animaux dans le but de prévenir des déséquilibres et de se soigner. Cette faculté leur permet de doser la quantité nécessaire et de choisir le mode d’ingestion.


Les animaux domestiques ou captifs ont conservé cette capacité innée. La zoopharmacognosie appliquée ou sélection instinctive se base sur cette science pour leur proposer des plantes et leur offrir la possibilité de sélectionner ce dont ils ressentent le besoin – travaux et recherches menés depuis plus de quarante ans par Caroline Ingraham en Angleterre. L'objectif premier étant de leur offrir une séance de bien-être pour traiter ou prévenir leurs maux tant physiques ou physiologiques qu’émotionnels.


Il s’agit d’une thérapie complémentaire qui utilise des produits naturels tels que les extraits de plantes, les argiles, les algues et les huiles essentielles sous forme de macérat, de poudres ou d’herbes séchées. En aucun cas, elle ne se substitue à des soins vétérinaires. Aussi, il est fondamental de suivre une formation rigoureuse ou de faire appel à un professionnel formé avant de la proposer à son animal. Il existe quelques règles de précautions et de sécurité à prendre. Notamment, les animaux souffrant de pancréatite ou présentant des difficultés à digérer les graisses ne pourront ingérer d’huiles végétales ou de macérats huileux.


Soigner ses animaux de compagnie avec les plantes

Cette méthode de soins thérapeutiques s’inclut dans une approche holistique de la santé et du bien-être de l’animal. Elle apporte un bénéfice à tous les âges et moments de la vie de nos animaux de compagnie (chiens, chats, chevaux, etc.) ou en captivité (zoo, parc naturel, etc.). Le principe fondamental de cette approche est de laisser l’animal choisir les remèdes, leur dosage et leur application : ingestion, inhalation, application topique ou administration sublinguale.


Pour quels besoins ? Parasites internes et externes, infections de la sphère ORL, problèmes dermatologiques, allergies, déséquilibre hormonal, problèmes gastro-intestinaux, infections fongiques et bactériennes, maux urinaires ou rénaux, pathologies ostéo-articulaires ou musculaires, douleurs visibles ou invisibles, irritabilité, peurs, traumatisme…


Comment l’animal détecte une substance chimique de plante médicinale ?


Partout dans le monde, les plantes contiennent de nombreux éléments chimiques partagés par différentes espèces de plantes. Les animaux sont capables de détecter les différents composés thérapeutiques présents dans les plantes davantage que la plante dans son ensemble. Par exemple, le linalol, constituant principal de la lavande, peut être trouvé dans plus de 200 espèces de plantes : la cannelle, le laurier, le bouleau, le bois de rose et bien d'autres.


Les animaux sont capables de détecter les différents composés thérapeutiques présents dans les plantes

En fonction de leur état de santé, l’attirance vers un composant chimique d’une plante va varier. Le goût et l'olfaction vont influer vers une préférence. Il s’agit du principe de la modulation sensorielle. Le traitement de l’information sensorielle captée par les sens (odorat, toucher, goût, ouïe, vue) est un processus neurophysiologique, traité au niveau des systèmes nerveux central et périphérique, qui génère une réponse adaptée au stimulus. Cette faculté est un élément essentiel au fonctionnement de l’organisme.


En effet, elle agit sur l'interaction de l'individu avec son environnement ainsi que sur sa capacité d'adaptation à gérer son quotidien. Elle contribuerait à la stabilité émotionnelle et comportementale jouant un rôle important dans la qualité de vie de chacun – travaux menés par le Docteur Tami Bar-Shalita depuis 2008.

 

La Zoopharmacognosie s’attache à comprendre comment les animaux utilisent leur environnement, non seulement pour soigner leurs troubles, mais également comme thérapie préventive, en tirant profit des composés secondaires des plantes ou d'autres éléments disponibles dans la nature. Cette science combine la compréhension de l'éthologie avec la pharmacologie et le bien-être animal.


La domestication a restreint la possibilité pour les animaux d'utiliser leurs connaissances instinctives pour sélectionner les remèdes de la nature. Aussi, la zoopharmacognosie appliquée apporte cette pratique aux animaux domestiqués ou en captivité. Elle permet de renforcer sa relation avec son animal en lui apportant autonomie et mieux-être.


 

Par Fabienne Bonaldi de Place aux Chiens – Comportementaliste Éducatrice canin


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