Et si vous pouviez sauver la faune sauvage en prenant soin de votre chat ?
Derrière le petit chat mignon, doux et câlin qui dort blotti à côté de vous sur le canapé se cache en réalité un terrible prédateur. Sous ses airs attendrissants, ce petit félin, star d’internet et des réseaux sociaux qui a conquis le cœur de près de 15 millions de Français, est aujourd’hui accusé de menacer la biodiversité de nos campagnes. Mais qu’en est-il exactement ?
Un corps équipé pour la chasse
Le chat domestique, de son nom latin Felis silvestris catus, est un carnivore de la famille des Félidés. À l’état sauvage, il peut passer plus de douze heures par jour à rechercher des proies – et pour cause, son corps est formaté pour la chasse. Alors que ses yeux perçants peuvent voir dans l’obscurité, son ouïe, trois fois supérieure à celle de l’humain, lui permet de discerner les ultrasons. Ses vibrisses, véritables capteurs de mouvement, peuvent quant à elles sentir la moindre vibration d’un animal à proximité. Le chat est aussi un sprinteur, capable d’atteindre une vitesse de 50km/h, et surtout un excellent sauteur, qui peut bondir à une hauteur représentant jusqu’à cinq fois sa taille ! Enfin, ses canines saillantes et ses griffes acérées complètent le tableau de cette machine à tuer redoutablement efficace.
Le chat, un danger pour la biodiversité ?
Avec ce profil de prédateur aguerri, rien d’étonnant à ce qu’on accuse le chat d’avoir des effets ravageurs sur la faune sauvage. Une récente enquête menée par le Muséum d’histoire naturelle, en lien avec la Ligue Protectrice des Oiseaux (LPO), révèle en effet qu’il chasse près de 135 espèces différentes, principalement des petits mammifères et des oiseaux (1). Selon différentes études, un chat domestique, même bien nourri, peut ainsi capturer en moyenne 27 proies par an, ce qui n’est pas négligeable au vu du nombre de foyers qui hébergent des chats ayant accès à l’extérieur (2).
Le coupable idéal
S’il est donc incontestable que le chat a un impact écologique sur son environnement, il est surtout le coupable idéal, l’arbre qui cache une forêt abîmée par les dégâts environnementaux causés par une autre espèce : l’être humain. Car les principales menaces qui pèsent à l’heure actuelle sur la biodiversité restent bel et bien l’agriculture intensive et l’artificialisation des sols. L’utilisation des pesticides, la pollution des cours d’eau, mais aussi l’urbanisation, avec la raréfaction des espaces verts qui en découle, mettent à mal les habitats naturels de nombreuses espèces. Si le chat peut être considéré comme un facteur aggravant, il n’est donc en rien la cause principale de la fragilisation de la faune sauvage.
Pour sauver des oiseaux, sortez votre plumeau !
Est-il néanmoins possible de limiter son impact ? La stérilisation reste certes une piste de solution essentielle puisqu’elle permet de limiter la population féline, notamment celle des chats errants et des chats harets (chats domestiques revenus à l’état sauvage), qui battent de loin les chats de maison en termes de proies puisqu’ils en capturent plus de mille par an !
Mais les propriétaires de chats peuvent aussi participer à soutenir la biodiversité tout en améliorant le bien-être de leur animal. Comment ? En jouant avec lui ! Il est effet avéré que le chat ne chasse pas uniquement pour se nourrir. Pour preuve, la récente enquête évoquée plus haut a révélé que plus de la moitié des proies (56%) ne sont en réalité pas consommées (3). Une étude réalisée par le scientifique Robert E. Adamec en était arrivée aux mêmes conclusions il y a déjà longtemps, en 1976 ! (4) Il avait été proposé plusieurs aliments à six chats après deux jours de jeûne, avant qu’un rat ne soit lâché dans la pièce. Résultat : un seul des chats a continué à manger alors que les cinq autres se sont mis à traquer le rat. Chasser est donc avant tout un instinct naturel chez le chat, et jouer 10-15 minutes deux fois par jour avec lui participera sans aucun doute à satisfaire ses besoins de prédation. Pour cela, rien de mieux que d’imiter le vol aléatoire de la mouche avec un plumeau, ou de l’agiter sous une couverture ou un coussin. Préférez une version avec des petits bouts de papier bruissants pour plus de stimulation sensorielle. N’hésitez pas également à lui proposer des peluches pour qu’il puisse exercer les séquences de capture et de préhension propres à la chasse.
Enfin, même si la faim n’est pas le seul moteur du comportement cynégétique, il a été constaté que le chat a moins tendance à tuer sa proie si on lui offre une alimentation variée et de qualité. John Bradshaw, biologiste britannique spécialiste du chat, suggérait d’ailleurs dans son livre, Le Comportement du Chat Domestique, qu’au-delà de l’instinct et de l’aspect ludique, une des motivations de la chasse serait une recherche de diversification alimentaire (5). Dès lors, n’hésitez pas à alterner les marques et les goûts pour varier les plaisirs – en veillant néanmoins à opérer des transitions progressives – voire à en laisser simultanément plusieurs à disposition pour lui offrir le loisir de choisir. Vous pouvez aussi proposer régulièrement de nouveaux aliments, comme un morceau de poulet ou de poisson, afin d’enrichir le régime de votre petit prédateur de compagnie. Et cerise sur la pâtée, disposez ses repas dans des gamelles ludiques : en plus de lui fournir une activité à la fois physique et mentale, elles répondront à plusieurs de ses comportements naturels : explorer, flairer, manipuler, lécher, gratter…
Votre chat, mais aussi la faune sauvage, vous en serons reconnaissants.
Par Leslie Palant - Comportementaliste spécialiste du chat
(1) Source
(2) Source
(3) Source
(4) Adamec R.E. (1976). The interaction of hunger and preying in the domestic cat (Felis catus): An adaptive hierarchy? Behavioral Biology, vol. 18, n°2, p. 263-272.
(5) Bradshaw J.W.S., Casey R.A., Brown S.L. (2012). Feeding behaviour. Dans : The Behaviour of the Domestic Cat (2e éd.). Wallingford, UK : CAB International, p. 113-127.
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