C’est presque devenu un lieu commun que d’entendre associés aux petits chiens des adjectifs tels que "hargneux", "teigneux" ou "nerveux". Dans les faits, cela s’observe souvent dans des situations où le chien n’est pas écouté dans sa communication, se retrouve contraint de faire quelque chose (ou de ne pas faire) et finit par réagir avec plus ou moins d’intensité (souvent plus que moins).
Regardons la situation sous un angle différent ! Et si les petits chiens étaient obligés de parler fort afin d’être entendus ? Pour quelles raisons en arrivent-ils à communiquer aussi fort ? Devrions-nous, humains de petits chiens, les aider à se faire comprendre ? Dans quelle mesure ? Je vous invite à cheminer ensemble sur ce petit sentier qui, je l’espère, vous fera découvrir de bien grandes perspectives.
Petits et pratiques !
SCOOP: Un petit chien c’est… petit. Peu encombrant, on peut l’emmener aisément partout. (Doit-on l’emmener partout parce qu’on peut le faire? Cela fera l’objet d’un autre article!) Combien de fois la taille d’un petit chien aura permis à l’humain de passer outre les besoins et désirs dudit chien ? Baudelaire, le bichon maltais, ne veut pas entrer dans le cabinet du vétérinaire : Je le porte ! Il ne veut pas avancer : Je tire sur sa laisse ! Roger le bobtail ne veut pas entrer chez le toiletteur : Bah j’attends… Les petits chiens forcés et contraints de manière régulière finissent par gagner leur étiquette de petit roquet ou de petit kiki chéri. Le petit roquet : “Il a mordu sans prévenir !” … ou a-t-il prévenu un millier de fois auparavant en vain ? Un chien qui est souvent forcé, régulièrement contraint, qui est réprimandé lorsqu’il tente de communiquer, qui n’est jamais écouté dans ses demandes d’espace, apprend que menacer est une étape inutile, puisque sans effet. Si la situation est amenée à se répéter, il peut apprendre à systématiser une réponse très forte. L’intensité de sa réaction, si on tient compte uniquement du contexte tout en occultant les antécédents, peut paraître complètement disproportionnée, voire injustifiée. Le kiki chéri : “C’est une crème, il se laisse faire.” Mais est-ce que se laisser faire c’est être d’accord ? Non. Qui ne dit mot consent ? Encore non !
Étayé dans les années 1970 par Seligman, professeur en psychologie, le concept de résignation/impuissance apprise a d’abord été étudié chez… des chiens. Cet état psychologique de résignation est défini comme résultant d’un découragement profond de l’individu ayant été exposé de manière répétée et durable à des situations désagréables et incontrôlables. Le chien apprend qu’il ne peut rien faire pour se sortir de cette situation et finit par ne plus rien tenter. Il apprend l’inutilité de l’effort. Il se résigne et subit. Il se laisse faire… Ce sentiment d’impuissance permanent est comparable à un état dépressif. Et de roquet à kiki, la frontière est mince.
Une légitimité proportionnelle ? SCOOP n°2 : Un petit chien est… un chien. C'est-à-dire un carnivore opportuniste, appartenant à une espèce sociale, ayant des besoins différents des nôtres. Chaque chien est un individu ayant un tempérament unique et une sensibilité qui lui est propre. Qu’il soit mini ou géant, chaque chien est unique dans sa différence. Souvent moquée, la communication des petits chiens (et parfois des plus grands) n’est pas toujours considérée. Leur communication est moins spectaculaire, moins imposante. Et elle a des conséquences beaucoup moins… conséquentes (Big up à tous les petits gabarits canins qui ont, un jour, essayé de stopper un individu en lui sautant dessus). Combien de vidéos pullulent sur internet montrant des petits chiens en train de grogner, babines retroussées, oreilles en arrière, avec une pilo-érection, face à un humain hilare qui force le contact ? Et combien de vidéos au scénario similaire mettent en scène un berger allemand adulte ?
Nous pouvons peut-être plus facilement ignorer la communication des petits chiens du fait d’un niveau de dangerosité plus relatif qu’ils représentent, mais on ne peut pas retirer ce qui est à la source de cette communication : des besoins, des demandes, des émotions, des limites inhérentes à l’individu qu’il est. Alors, peu importe leur taille, peu importe la gravité d’éventuelles conséquences, au-delà d’une responsabilité, c’est un devoir moral que de faire l’effort d’apprendre à les comprendre.
Petits chiens, grosses responsabilités ? Les risques que prennent les petits chiens sont nombreux. Qu’ils soient liés à la fragilité de leur ossature plus menue ou aux craintes de leurs humains qui peuvent appréhender certaines situations et rencontres, leur petite taille nous fait rajouter de grandes précautions. Cela peut conduire à une socialisation plus précautionneuse et induire un seuil de tolérance plus bas du fait d’un manque d’expériences. Vivre avec un chien est un engagement sur le long terme. Choisir une race de petite taille nécessite quelques attentions particulières, comme aménager son environnement pour qu’il soit facile d’accès (on pense au capital articulaire et à son dos!), sécuriser notre lieu de vie (les petits chiens passent partout !). Mais aussi prendre plus de précautions lors des rencontres congénères avec des chiens plus grands et donc plus lourds (une blessure par écrasement, même involontaire, peut arriver). Et surtout, faire entendre et comprendre leur communication lorsqu’elle échappe à certains humains: s’il ne veut pas être caressé par un inconnu dans la rue, prévenez que votre chien a la galle (efficacité prouvée !).
En tant qu’humaine de petit chien, le plus complexe, à mes yeux, est de trouver le juste équilibre entre sa fragilité, ses besoins, ses capacités et… mes peurs ! Tout en évaluant les risques et les enjeux. Car certes ils sont plus fragiles (au sens littéral) mais ils sont tout aussi capables que les plus grands ! À nous alors d’être capable de les considérer pour ce qu’ils sont et surtout pour qui ils sont.
Peu importe leur taille, nous sommes responsables de la sécurité de nos chiens, nous sommes garants de leur intégrité physique et émotionnelle, nous sommes chargés de leur bien-être. Nous avons fait le choix d’endosser ces responsabilités. Le chien, qu’il soit petit ou grand, ne nous a pas choisis.
Par Élodie Scoppa de Canid'Élo - Comportementaliste éducateur canin
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