Aussi indispensable que la parole pour les humains, le comportement de griffade est un besoin irrépressible chez le chat. Même si cela peut parfois être gênant pour nos intérieurs, comprendre les raisons des griffades est essentiel pour proposer les bons supports, les bons endroits et rendre ce comportement acceptable pour les humains de chats.
Faire ses griffes, ça consiste en quoi ?
Tous les propriétaires de chats ont déjà observé la scène du chat qui s’avance vers un griffoir vertical ou horizontal, s’étend de tout son long, allongeant ses pattes toutes griffes dehors et se mettant à labourer et griffer plus ou moins longtemps et plus ou moins frénétiquement ce support.
En fonction de la raison qui a poussé le chat à faire ses griffes, il pourra repartir, apaisé, vaquer à ses occupations. On pense bien souvent que le chat a principalement besoin de faire ses griffes, physiologiquement parlant, pour les user. La réalité, c’est qu’il y a de multiples raisons qui poussent le chat à adopter ce comportement, qui est dans tous les cas important pour lui et essentiel à son bien-être.
Marquer son domaine vital
La fonction qui apparaît comme étant la plus importante est celle de marquer son domaine de vie.
En effet, le chat dispose de quatre moyens principaux de baliser son environnement : le marquage urinaire/fécal, le dépôt de molécules chimiques par frottement, le positionnement corporel et les griffades. Quatre façons, et donc plusieurs moyens de transmettre un message : visuel, olfactif, sonore et sémiochimique.
Le chat utilisera ces quatre moyens alternativement ou concomitamment, avec des préférences pour l’un ou l’autre en fonction du message à envoyer et de son profil individuel. Le marquage par griffades a l’avantage d’être à la fois visuel, sonore et olfactif. Il est donc privilégié par les chats qui pourront indiquer leur présence aux congénères et à toutes les autres espèces (y compris les humains) avec qui ils cohabitent. Le visuel et le sonore sont perçus indifféremment par tous, et le message sémiochimique est adressé spécifiquement aux espèces utilisant encore l’organe de Jacobson (situé au fond de la gorge, derrière le nez).
Ainsi, pour être vues et perçues de tous, les griffades sont souvent localisées sur les canapés, les murs d’entrée, les coins de portes et lieux de passage, les tapis du salon, les pourtours des lits etc. Des lieux pertinents d’un point de vue félin, même si souvent gênants pour l’humain !
Un exutoire émotionnel
On notera également que le chat ne fait pas ses griffes tout le temps de la même façon. Cela dépend de son état émotionnel et de ce qu’il recherche dans ce comportement. Quand il s’agit d’un comportement de type «confort» pour renforcer un marquage, après une sieste par exemple ou le retour d’une balade, le chat va s’étendre et prendre le temps de planter ses griffes, de façon plutôt sereine, peu bruyante, lente et en prenant le temps d’étirer ses muscles.
Après un conflit avec un autre chat, l’intrusion dans son domaine vital d’un autre animal ou d’un humain, ou après une situation qui a fortement stressé le chat, on verra celui-ci se positionner sur le support et se mettre à labourer bruyamment et frénétiquement. On constatera un positionnement corporel plus tendu et une possible mydriase (pupilles dilatées).
On parle aussi du «quart d’heure de folie» où votre chat se met à courir dans tous les sens, chassant une proie imaginaire : bien souvent, l’arbre à chat ou tout support en sisal/osier/carton sera l’objet de sauts ou de plantages de griffes qui permettent aux chats de se défouler et d’évacuer leurs tensions.
Se défendre et chasser
Un félin chasse et se sert de ses griffes pour capturer ses proies. C’est son mode d’attaque favori, bien plus qu’avec la gueule et les dents. Les chats d’extérieur sont très rodés à ce type d’exercice et leurs compétences de chasseur s’affinent avec le temps. Savoir se faire tout petit, observer, sauter sur sa proie et savoir quand sortir ses griffes (les félins sont la seule espèce à griffes rétractiles) est un art dans lequel le chat excelle. Un chat sans griffe ne pourrait donc pas exercer son activité favorite, et cela pourrait créer de fortes frustrations.
De même et comme souvent, ce qui sert à attaquer sert aussi à défendre. Le chat agressé (le stade de la menace ayant été dépassé) sera toutes griffes dehors, prêt à lacérer celui qui entre en contact physique avec lui. On l’observe bien quand le chat est positionné sur le dos et les pattes antérieurs tendues, légèrement écartées et les pupilles dilatées, prêt à en découdre avec son attaquant.
User ses griffes
Pour les chats d’intérieur, faire ses griffes permet bien sûr également aux chats de les user. Bien que la fonction soit secondaire, elle est importante quand le félin n’a pas d’autres moyens de limer ses ongles naturellement par des vagabondages en extérieur. Il ne faut pas négliger toutefois de vérifier les griffes arrières car elles ont tendance à moins s’user, et elles peuvent pousser jusqu’à parfois rentrer dans la peau, surtout chez les chats plus âgés.
Épointer les griffes de son chat peut présenter l’avantage de limiter les dégâts liés aux griffades, d’éviter le petit plantage de griffes dans vos jambes quand votre félin joue ou monte sur vous, ou la gêne de griffes trop longues quand il marche.
Ce qu’il ne faut pas faire !
Imaginer qu’on puisse interdire à un chat de faire ses griffes est la pire des erreurs. En cherchant à réprimer ce comportement tellement nécessaire, vous ne ferez que déplacer le problème. Soit en reportant tout simplement les lieux de griffades, car votre chat trouvera toujours un endroit pour les faire, soit en changeant le mode d’expression de votre chat qui choisira peut-être de passer aux marquages urinaires.
Également, les punitions physiques sont évidemment à proscrire, et ne pourront que stresser votre chat et dégrader votre relation.
Faire dégriffer votre chat est une mutilation légalement non autorisée et extrêmement douloureuse pour l’animal. Interdite depuis 2003 en France, elle consiste en l’ablation de la dernière phalange portant la griffe. Inutile de préciser l’effet néfaste d’une telle opération qui ne permet plus du tout au chat de faire toutes les activités décrites ci-dessus et qui engendre des frustrations et un état de stress important. Les problèmes de comportement en tout genre deviennent alors le quotidien des propriétaires qui ont fait dégriffer leur chat.
Il existe aussi aujourd’hui des capuchons en plastiques que l’on pose sur la griffe du chat à l’aide d’une colle spéciale. C’est aussi à éviter fortement car si vos beaux canapés et élégants rideaux ne seront plus lacérés, le marquage visuel n’est plus possible pour le chat, et ce sera la confortable couette de votre lit et les coussins moelleux du salon qui risqueront d’être arrosés d’urine en raison de la frustration. Un stress permanent pourra être ressenti par votre chat qui ne peut plus utiliser ses griffes pour les différentes fonctions que l’on vient d’aborder. À noter toutefois que pour certains personnes malades ne pouvant pas prendre le risque d’être griffées, ou pour les chats souffrant eux-mêmes de pathologies les incitant à se blesser en se grattent, ces capuchons peuvent être une alternative utile.
Oubliez enfin les sprays répulsifs qui n’auront pour effet que le redoublement des efforts de votre chat pour marquer ailleurs. Les diffuseurs de phéromones de synthèse sont également inefficaces.
Que faut-il faire alors pour protéger son intérieur ?
On n’interdit pas de faire ses griffes au chat, on le redirige tout simplement vers un support plus approprié. Partant du principe que le chat va devoir nécessairement faire ses griffes, on va lui proposer un support destinés à cet effet : arbre à chat, griffoir vertical ou horizontal, carton, tapis, etc. Il faut veiller à mettre ce support dans un lieu adapté : zones de passages et zones fréquentées seront donc à privilégier (couloir, salon, entrée, cuisine…). Plus on propose de supports et plus ça sera efficace.
L’arbre à chat a un avantage non négligeable : placé dans votre salon, par exemple, il est à la fois griffoir grâce au sisal qui entoure les poteaux et que les chats adorent, lieu de repos grâce aux couchages et maisonnettes qui le composent, lieu de repli quand il est suffisamment haut et que votre chat cherche à se soustraire d’une situation (enfant, chien...).Il est alors le parfait centre névralgique du domaine de vie de votre chat, qui y passera beaucoup de temps.
On protège en parallèle les objets déjà griffés par le chat, le temps que celui-ci se déconditionne et utilise les nouveaux griffoirs plus adaptés.
Quand on adopte un chaton, dès le début, il faut avoir un bon support type arbre à chat avec poteau en sisal. Quand on aperçoit notre petit boule de poils commencer à griffer le canapé ou autre, on l’amène gentiment devant l’arbre à chat, et on peut même gratter bruyamment le poteau avec nos ongles dessus pour l’inciter à l’utiliser, car le chaton apprend souvent par imitation. Vous pouvez également y vaporiser de l’herbe-aux-chats qui pourra le stimuler à l’utiliser.
Comme tous les comportements, vous aurez maintenant compris que les griffades de votre chat ont une réelle importance. Il faut en avoir conscience et les accepter comme un besoin inéluctable. Adaptez votre intérieur, comme le chat s’adapte à vous tous les jours. Après tout, vous avez choisi de vivre avec un félin et non une peluche, proposez-lui tout ce qui l’épanouira pour la garantie d’une cohabitation saine et sereine.
Par Gwendoline Le Peutrec Redon - Comportementaliste spécialiste du chat, créatrice d'Animautopia et formatrice
Comentários