La cohabitation : titre court pour un vaste thème. En effet, la cohabitation peut s’entendre de manière brève, lors d’une garde temporaire mais aussi le début d’une grande aventure avec un ou plusieurs congénères. Rajoutons les familles « à bêtes » qui s’organisent joyeusement avec chat, chien, rongeurs et autres Nouveaux Animaux de Compagnie. Gwendoline LE PEUTREC-REDON, comportementaliste spécialiste des relations Homme/Chat, nous donne quelques pistes pour réussir cela sans trop d’encombres.
La garde temporaire
Certaines personnes peuvent se retrouver investies de la grande mission « garde du chat pendant les vacances » ce qui reste épisodique mais d’autres âmes charitables se transforment en famille d’accueil le temps de trouver un nouveau foyer aux malheureuses victimes de l’abandon.
Dans les deux cas, ce sont les familles qui ont déjà d’autres animaux en place qui nous intéressent puisqu’il s’agira de composer avec le chat nouveau venu pour une période courte. Courte et donc sensible, variable puisque le temps qui aide à l’adaptation d’individus entre eux manque et les erreurs involontaires des humains recommencent à chaque « garde ».
Dans le cas du voisin ou du membre de la famille qui accepte gentiment de garder le chat pendant les vacances, celui-ci va souvent faire en sorte de ne pas déstabiliser son propre compagnon et cloisonner le nouveau venu dans une pièce. Bien, pas bien ? Cela dépend des individus en présence… Le chat résident qui se trouve être bien dans ses « coussinets », qui réagit positivement à la vue d’autres chats et qui semble avoir une bonne gestion émotionnelle face à de nouvelles expériences pourra accepter assez facilement un congénère pour peu que celui-ci soit également dans de bonnes dispositions. A l’inverse, isoler le matou revêche et le minet résident s’ils ont des velléités de défense de leur domaine de vie exacerbées, qu’ils ont été mal sevrés ou que la capacité d’adaptation est faible permettra de minorer les conséquences désastreuses telles que de fortes bagarres, des marquages urinaires ou fécaux, des agressions redirigées etc…
Encore une fois, ces deux situations doivent être prises avec recul puisque chaque chat est différent et chaque famille aussi donc tout est à moduler, à nuancer. La règle première, et dans tous les cas de figure, c’est de ne jamais intervenir dans les interactions entre deux chats car vous risquez d’induire des associations malheureuses qui peuvent parfois être irréversibles.
Ainsi, toute personne qui souhaite se lancer dans le projet de famille « d’accueil » devrait s’assurer que ses protégés à quatre pattes soient bien sevrés, socialisés et sociabilisés et qu’eux-mêmes sauront faire preuve de retenue dans les interactions entre animaux pour que le séjour soit à la fois salvateur et bénéfique.
L’adoption définitive
Puis un jour la famille s’agrandit... On aime les animaux en général, on a pesé le pour et le contre, on s’est assuré d’avoir assez de place pour accueillir ce petit monde et surtout on a pris conscience des responsabilités diverses qu’engagent la cohabitation avec un nouveau « quatre pattes » ? Que l’on ait déjà chat / chien / NAC, l’insertion d’un nouvel animal est toujours délicat car de là, découlera toute une future cohabitation. Il serait bien prétentieux de pouvoir brosser tous les cas de figure ici car cela serait aussi long qu’ils n’existent d’individus mais nous tenterons néanmoins d’apporter quelques conseils en suivant de grandes lignes.
L’analyse de la situation préexistante
Un nouveau chat, un nouveau chien le plus important est d’abord de s’assurer que l’animal en place sera à même de bien vivre l’arrivée du nouveau ou tout du moins que la situation ne sera pas trop pénible à vivre le temps de l’adaptation. Ainsi, attention aux vieux chats/chiens dont la motricité est réduite et les sens affaiblis qui auront beaucoup de mal à adopter un jeune plein de vie si vous ne faîtes pas en sorte de le préserver des assauts. Les animaux malades ou émotionnellement fragiles qui pourront très mal réagir, proposer des conduites agressives, des marquages urinaires pour soulager leurs tensions, se prostrer ou au contraire être dans l’hyper vigilance permanente. N’oublions pas également les situations d’hyper dépendance entre un chat/chien et son propriétaire car il s’agit de cas bien spécifique ou le partage de l’être en question ne sera que frustration et mal-être entraînant encore les comportements adaptatifs précités.
Si vous avez un doute ou pour vous assurer que vous pouvez adopter un nouveau compagnon chat ou chien, l’aide d’un comportementaliste pour évaluer le profil des animaux en place sera précieuse vous évitant ainsi des regrets et peut-être finalement l’abandon de celui qui a généré tant de stress.
Le choix du nouveau venu
Une fois que vous êtes assuré de la capacité de vos compagnons résidents à accepter un chat/chien dans sa maison, il est tout aussi primordial de bien choisir l’arrivant. En effet, le bon équilibre émotionnel du futur compagnon sera le premier facteur de bonne entente entre vos animaux.
Choisissez un chat ou un chien bien socialisé à son espèce et bien familiarisé aux autres espèces et aux divers évènements de la vie. Ainsi, sélectionnez avec soin l’élevage de naissance et les conditions de développement qui doivent être variées et proches de votre propre mode de vie.
Pour un chat, abandonnez l’élevage en plein air, à la campagne où les chats chassent et sont stimulés par la nature si vous être un couple dans un appartement à Paris : les bruits de la TV et des voitures ne sont pas ceux des oiseaux et écureuils. L’enfermement pourra être bien vécu si le chat n’est jamais sorti et que vous agrémentez votre appartement et le quotidien des éléments indispensables au bon équilibre félin.
Puisque vous avez déjà chien ou chat, préférez un élevage où le chaton/chiot aura pu rencontrer des espèces différentes en sachant toutefois qu’un Labrador est différent d’un chihuahua et qu’un chien ce n’est pas tous les chiens. Avec les chats, la différence morphologique entre races est moindre. A noter aussi que côtoyer une autre espèce est bénéfique quand les choses sont bien faites et que le chat ou le chien bien sociabilisé (et confronté à de multiples expériences positives) pourra devenir « ami » avec l’autre espèce.
Votre attitude
La plus grosse erreur à commettre quand on met en contact des animaux destinés à cohabiter c’est d’intervenir dans leurs interactions. Le souci réside dans notre anthropomorphisme naturel, dans le réflexe d’imaginer à leur place ce que peuvent et doivent ressentir les chats ou les chiens. Pour rappel, les animaux ressentent des émotions et leur attribuer des sentiments humains tels que la jalousie ou la vengeance c’est aller trop loin dans les niveaux de conscience que cela requiert : les animaux sont plus simples, dans l’aspect positif que cela comprend.
Ainsi, pour eux, il s’agira de s’appréhender, de se renifler pour connaître la carte d’identité de l’autre, de s’apaiser, de s’ajuster et pour ce faire, ils n’ont besoin que d’eux-mêmes. Pour un chat, cracher, feuler, faire le gros dos dans un premier temps est tout à fait classique, c’est un animal dont on perturbe l’organisation spatio-temporelle habituelle. C’est le temps et en fonction de sa capacité d’adaptation qui l’amènera à aller à l’encontre de l’autre, de la connaître et de partager convenablement l’espace de vie. Entre chat et chien, c’est pareil, si ce n’est que le chien est un animal social et tandis que le chat va naturellement se mettre d’abord en retrait, le chien va chercher à renifler et rencontrer l’autre.
C’est là qu’il est important de ne rien faire même si ce que vous voyez semble peu amical car pour les chats cette animosité première est normale mais votre intervention pour disputer et dire « que ce n’est pas bien » d’accueillir ainsi le nouveau c’est prendre le risque de créer une association mémorielle négative : « ce chat ou ce chien qui pénètre dans mon domaine vital est à éviter à tout prix. » En plus de devoir s’adapter à ce nouveau venu, votre chat perçoit qu’en sa présence vous le disputez. Il risque alors de manifester un peu plus d’agressivité et bien souvent c’est à votre grand désarroi car vous imaginez qu’ils ne s’entendront jamais alors rebelote vous criez et c’est le cercle vicieux.
Une autre erreur importante est de forcer le contact, en portant le chat par exemple et l’apporter contre son gré à l’autre chat/chien : vous risquez non seulement de vous faire griffer mais pris au piège de vos bras, le chat se sentira prisonnier et la première impression au contact de l’autre est très mal perçue.
Ainsi, la règle d’or est : ne jamais intervenir dans les interactions animales ! Prévoyez plutôt d’aménager l’espace de rencontre en privilégiant les cachettes en hauteur si votre chat veut se soustraire, prévoyez une litière en plus pour ne pas créer de frustration, au moins deux gamelles différentes même si elles sont dans la même pièce. Restez en retrait et soyez le plus neutre possible dans vos attitudes. Faites attention à vos micro-expressions faciales et corporelles, vos animaux savent très bien les décoder ! Vous êtes leur être d’attachement et si vous semblez calme, le chat en saura d’autant plus apaisé.
Pour les premières nuits, il est judicieux également de ne pas faire dormir le chat et l’autre chat/chien dans la même pièce pour que chacun puisse se reposer des émotions de la journée sans avoir à se méfier de l’autre.
Et les NAC ?
Quand on a un chat, posséder lapin, souris, rat, chinchilla, est un de toutes façons peu naturel puisqu’il y a le prédateur et la proie. Toutefois, ce n’est pas impossible.
La sociabilisation est importante mais, au-delà, l’habitude et surtout votre vigilance évitera bien des drames. Si vous avez un chat qui sort, bon chasseur de surcroît, il faudra éviter de tenter le diable et de laisser Minou avec lapin, rat ou hamster en liberté dans la même pièce. Si vous souhaitez faire vagabonder votre rongeur, prévoyez ceci durant les heures de sortie de votre chat.
Sinon, il est possible que le chat ait fini par s’habituer au rongeur de la maison et n’ait plus l’envie irrépressible de lui tordre le cou mais soyez toujours dans le coin, l’instinct revient vite…
Si vous sentez que l’arrivée de petits animaux perturbe votre chat, que celui-ci paraît stressé, qu’il s’est mis à uriner partout ou qu’il ait griffé vos murs ou meubles, il est plus sage de déplacer la cage des rongeurs dans une pièce à part. Veillez à bien entretenir la litière des rongeurs car leur forte odeur peut pousser votre chat à vouloir uriner pour y déposer son odeur à lui.
De la même manière, ne disputez pas votre chat s’il regarde avidement la petite boule de poils qui court dans sa roue car vous risqueriez d’éveiller chez lui un désir de prédation plus important.
Et quand ça dégénère…
L’adoption n’est pas le seul moment délicat dans la cohabitation entre chats ou avec un chien et parfois, après de longues années d’entente parfaite, un grain de sable fait dérailler la machine.
Maladie, vieillesse, handicap entraînent des modifications comportementales suite aux douleurs ressenties et à la déstabilisation due à la diminution sensorielle. Ainsi, votre chat peut ne plus supporter des contacts brusques ou répétés de la part des autres animaux, il devient réactif et en face, l’autre ne comprend pas toujours ce changement. La situation peut se dégrader et devenir invivable, il est de votre ressort d’aménager des espaces où le chat pourra se retirer, se reposer dans crainte d’être dérangé. Encore une fois, on ne s’offusque pas mais on arrange l’environnement.
Retour du vétérinaire, vision d’un chat étranger dans le jardin, peur extrême, cela peut engendrer le phénomène d’agression redirigée : le chat s’attaque à celui qui est côté de lui au moment une forte émotion le traverse. Ce n’est pas de la méchanceté, ce n’est pas réfléchi, c’est une sorte de réflexe qui pousse l’individu à sortir son émotion sur la première chose qui passe. Le souci c’est que, bien souvent, il se crée une association négative entre les individus : pour l’un c’est assimiler l’évènement à l’autre et pour le deuxième c’est tout simplement craindre celui qui l’a attaqué apparemment sans raison. Cela perturbe grandement les humains surtout que si les bons réflexes ne sont pas rapidement adoptés, la situation à tendance à dégénérer petit à petit.
Ici, il faut en tant qu’humain s’atteler à ne pas empirer la situation en réagissant mal pendant les bagarres : crier, hurler, lancer des objets… Rester le plus calme possible et séparer momentanément les deux individus le temps que la pression redescende puis les laisser se retrouver en créant des associations positives : cela peut-être au travers de jeux, de nourriture… S’atteler à détourner l’attention de deux chats qui auraient l’air de monter en tension à la vision de l’autre. Face à des situations particulièrement dégradées, un comportementaliste spécialisé dans les relations Homme/Chat pourra vous aider.
La cohabitation est un équilibre fragile surtout lorsque l’on tient compte que le chat est un animal plutôt solitaire à la base. Tout peut se passer à merveilles à partir du moment où on respecte les besoins éthologiques de chaque espèce et surtout, et c’est bien là le plus dur, qu’on arrive à se maîtriser en tant qu’humain en ne tentant pas de penser à la place de l’animal. Comme on ne sait pas ce qu’ils peuvent penser et ressentir sur le moment, il vaut mieux ne pas réagir et, eux, trouveront toujours la meilleure façon de s’adapter.
Gwendoline LE PEUTREC REDON, comportementaliste spécialiste du chat et formatrice Animautopia
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