Le chat a une gestion alimentaire bien différente de la nôtre ce qui peut engendrer certains problèmes quand elle est mal connue ou que le chat ne peut se nourrir comme il l’aurait fait dans la nature. Du chat « fine bouche » au chat « gobe tout » en passant par le chat « harceleur ou voleur », cette désorganisation de la prise alimentaire provient principalement de notre fait. Gwendoline Le Peutrec-Redon, comportementaliste spécialiste du chat, nous éclaire sur la situation.
Le menu du chat
A la base, le chat se nourrit de rongeurs, oiseaux et autres insectes qu’il chasse aux cours de ses pérégrinations. Certes, il chasse pour se nourrir mais pas uniquement. Les chats nourris par l'Homme continuent malgré tout d'attraper des proies par instinct de prédation et pour parfaire un apprentissage latent. Concernant la prise de boisson, initialement, il s’abreuve principalement du sang de ses proies et boire de l’eau n’est donc pas instinctif ce qui explique pourquoi certains propriétaires ont tant de mal à faire boire leur chat.
Ces prises alimentaires apportent tout ce que le chat a besoin au niveau nutritionnel. Le chat est un carnivore strict et son système digestif supportera mal toute entorse. Il dépend de certains nutriments essentiels comme la taurine, l’acide arachidonique, la vitamine A qui sont naturellement présents dans ses proies.
Ainsi, les chats domestiques vont prendre en moyenne une quinzaine de repas sur 24 heures quand ils sont "croquettivores" ce qui leur convient parfaitement quand les croquettes sont disponibles à volonté. Ce nombre peut être considérablement réduit s'il est nourri au BARF car les repas sont systématiquement complets et conséquents.
Ne pas oublier que le lait de vache n’est pas digeste pour le chat, il n’a pas les enzymes nécessaires pour bien le digérer. Préférer, éventuellement, du lait spécialement conçu pour les chats, sans lactose, vendus dans les supermarchés au rayon animaux.
Les dérèglements de la prise alimentaire
Cette gestion nutritionnelle est souvent mal connue et les propriétaires vont nourrir leur chat de manière instinctive. Il y a ceux qui vont d’office proposer un grand bol de croquettes à volonté et le chat va s’autoréguler, instinctivement ! C’est le meilleur moyen de procéder surtout lorsque le chat sort.
Puis, il y a ceux qui vont procéder comme pour le chien : 2 fois par jour, matin et soir… Le chat n’étant pas comblé dans ses besoins quantitatifs, il ressent la faim tout au long de la journée et attend impatiemment son repas du soir qu’il gobera rapidement. Il digérera mal, de manière peu efficace et très rapidement ressentira à nouveau la faim même si, au final, il aura ingérer sa ration journalière habituelle. Sans parler des sources de tension que la faim provoque, les conséquences sur le système digestif se feront ressentir sur le long terme.
En comparaison, c’es
t comme si l’humain qui mange 3 fois par jour et donc 9 repas en 3 jours pour environ 4.5 kg de nourriture mangeait une fois le lundi matin 2.250 kg de nourriture et 2.250 kg le mercredi soir : même si c’est ce que nous aurions mangé en 3 jours, nous goberions cette nourriture d’un coup avec une sensation de ventre énorme et nous mourrions de faim jusqu’au mercredi soir…
Il y a aussi ceux qui ont changé la ration alimentaire parce que leur chat prenait du poids (stérilisation/castration par exemple). Le problème c’est que la manière de procéder est mal adaptée et le chat rentre petit à petit dans ce système de manque. Là où un chat était parfaitement régulé, il se retrouve à quémander en permanence.
Parfois, le dérèglement est aussi la conséquence d’un stress. Observé très souvent chez les chats portés sur l’oralité (miaule beaucoup, lèche, grignote…), la nourriture est perçue comme apaisante et ils auront tendance à manger lors des pics de tension. Les chats sevrés précocement (avant 3 mois) ou s’ennuyant fortement sont plus sensibles à ce comportement également.
Le chat étant plus fortement attiré par la nourriture humide, plus proche dans la texture de ses proies naturelles et enrichie en exhausteur de goût, il aura tendance à privilégier celle-ci même si on lui propose de la nourriture solide en parallèle. Ainsi, il peut s’abstenir de se nourrir jusqu’à ce qu’il reçoive sa pâté.
Il ne faut pas oublier non plus qu’il peut y avoir des causes physiologiques, des maladies qui dérègle la prise alimentaire du chat. Allergies, insuffisance rénale, PIF, leucose sont autant de causes possibles surtout lorsque le dérèglement semble brutal. Il faut alors consulter un vétérinaire pour déterminer la cause et celui-ci proposera des traitements en fonction de la pathologie.
Que devrions-nous faire ?
Il faut en premier lieu déterminer si le dérèglement provient d’une mauvaise distribution de la nourriture, si c’est la conséquence d’un stress, une mauvaise qualité des aliments ou autres en ayant pris soin d’éliminer toutes causes physiologiques.
Il faut aussi garder à l’esprit que le petit ventre du chat stérilisé (appelé panicule) est normal, la castration/stérilisation rend favorable le stockage des graisses à cet endroit. Tant que cela n’est pas important, que le ventre ne touche pas terre et que la morphologie du chat est normale alors il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Dans le cas où les repas ne sont pas proposés à volonté et que le chat s’est donc dérégulé, il faut réenclencher la machine naturelle et instinctive. La difficulté réside dans le fait que proposer des croquettes/de la pâtée à volonté du jour au lendemain à ce type de chat risque d’amener à des excès de celui-ci. Surpris de tant de nourriture d’un coup, il risque de manger jusqu’à s’en rendre malade.
Si vous êtes chez vous la journée, il faut diviser la dose journalière et distribuer ces rations toutes les 2/3 heures environ sans oublier de laisser une partie pour la nuit. Si tel n’est pas le cas, il existe des gamelles automatiques compartimentées où vous diviser également la ration par le nombre de cases et celles-ci s’ouvriront aux heures choisies. Plus il y a des compartiments et meilleure sera la ré-habituation.
Pour les chats qui semblent souffrir de stress ou qui s’ennuient parce qu’ils sont seuls toute la journée ou ne sortent pas, il faut que l’accès à la nourriture soit plus complexe et stimuler par là-même votre chat. Il existe plein de distributeur intelligent conçus pour ce faire. Du labyrinthe à trou où il faut acheminer les croquettes intelligemment ou les tubes de différentes tailles où le chat doit redoubler d’habileté pour les extraire !
Pour les chats qui sont, au contraire, difficiles et plutôt menus : il s’agit de trouver l’aliment qui lui convient le plus et lui proposer dans un endroit calme et sans réaction de votre part quand celui-ci se nourrit. Même ce que vous prenez pour des récompenses peut être mal vécu et le chat peut y associer des choses négatives donc restez neutres par rapport à un comportement qui doit être instinctif.
Quelle nourriture ?
Il y a plusieurs types de nourritures pour le chat : la nourriture solide (croquettes) et la nourriture humide (pâtée en boîte/BARF/Whole Prey). La nourriture solide a deux avantages : elle ne se périme pas à l’air libre et permet donc d’être distribuée à volonté mais elle devrait rester un complément car les croquettes sont très éloignées de l'alimentation naturelle féline et peut engendrer des problèmes de santé à long terme quand elle est exclusive. Les principaux inconvénients sont le taux d'humidité très faible et les glucides qu'elles contiennent eu égard à leur composition.
La nourriture humide devrait donc être le type d'alimentation principale, les croquettes servant au chat à se nourrir quand il le souhaite dans la journée et la nuit quand les humains sont absents. Cela dit, pour préserver la qualité d'une pâtée tout au long de la journée, il existe aujourd'hui des gamelles réfrigérantes très adaptées.
Le BARF ou le Whole Prey (donner des proies entières) sont une très bonne façon de nourrir son chat mais cela nécessite des connaissances et ne n'improvise pas. Pour peu que les repas soient distribués en plusieurs fois jour et nuit et respectant les compositions nécessaires à la santé du chat, c'est la meilleure façon de préserver la santé de votre chat.
Ne vous empêcher pas de nourrir votre chat ainsi car vous ne seriez pas présents la journée ou que vous ne vous en sentiez pas capable/motivé car :
- il suffit alors de laisser de la nourriture plus classique (pâtée ou croquettes de haut qualité) à disposition entre les repas BARF
- on peut s'approvisionner en repas déjà préparés et complets que l'on trouve sur des sites internet spécialisés
Ne pas oublier non plus de vermifuger son chat régulièrement surtout s’il sort et se nourrit de proies ou que vous vivez avec des enfants et/ou chien(s).
De la mère au chaton
Pourquoi un chat préfèrera-t-il telle ou telle sorte de nourriture ? Tel ou tel goût ?
Des études scientifiques ont pu démontrer qu’il y avait transmission des préférences alimentaires de la mère humaine au fœtus et par extension, on peut supposer la même chose chez les félins qui sont également des mammifères.
Ainsi, ce que la mère aura ingérer pendant sa gestation sera la nourriture vers laquelle le chaton sera instinctivement attiré lors de son sevrage. Cela n’est pas irréversible c’est juste une préférence donc si le chaton mange divers type de nourriture durant ses premiers mois de vie, il n’aura aucun mal à s’y adapter.
Toutefois, s’il n’a à sa disposition que des croquettes, il y a fort à parier qu’il n’acceptera que des croquettes à l’avenir. Ainsi, si vous avez des chatons qui sont nés chez vous, pensez à leur proposer de la nourriture variée (solide/humide) avec divers goûts pour faciliter la gestion alimentaire pour les futurs propriétaires.
Le PICA
Phénomène très particulier, le PICA est un trouble plutôt rare où le chat va ingérer des matières non-comestibles de manière assez frénétique. Il peut s’agir de laine, de coton, de plastique, vêtements, carton, pierre, substrat de litière… et c’est particulièrement dangereux car votre animal peut faire une occlusion intestinale.
Les chats sujets à ce trouble sont souvent des chats dont l’oralité est développée et certainement stressés. Il faut aussi consulter un vétérinaire pour s'assurer qu'aucune pathologie médicale n'y est associée.
Ainsi, les personnes ayant un chat souffrant de PICA doivent protéger leur animal en rangeant soigneusement les éléments ci-dessus visés et en réduisant les facteurs de stress. Pour discriminer ceux-ci, l’intervention d’un comportementaliste est fortement recommandée.
Il faut toutefois ne pas confondre ce trouble avec des comportements normaux tels que le chat qui déchiquète du carton par exemple ou qui lèche des plastiques fins (sacs de course) sans les ingérer. Ce sont des comportements de substitution qui permettent aux chats d’évacuer leurs tensions.
Le plus important à retenir est donc la multiplicité des repas tout au long du jour et de la nuit en prenant en compte l’aspect qualitatif de la nourriture proposée. Si vous avez besoin d'aide pour faire le tri, il existe des conseillers en alimentation et diététique animale qui sauront vous guider.
Gwendoline LE PEUTREC-REDON, responsable et formatrice Animautopia, comportementaliste spécialiste du Chat - www.comportementaliste-chats.fr
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